En cas d'urgence, frappez sur le voyant !

Publié le par Patrick Germain

Vous savez ce que c'est : il y a des jours, comme ça, ou l'on se dit qu'on aurait mieux fait de rester au lit. Qu'il ne pleuvra qu'une fois, et que tous les mous du bulbe sont de sortie rien que pour vous enquiquiner, vous et pas un autre.

Bref, ce matin il faisait un temps de chien, le lait avait profité de la nuit pour tourner et un courrier (le genre « majoré des frais : j'ai fait [enter] et ça vaut bien vingt euros en plus dans ta gueule, connard ») avait achevé de me mettre d'humeur altière lorsqu'une main anonyme fut prise d'une irrépressible envie de marteler le carreau de la cuisine avec insistance.

Je me lève et ouvre mon huis avec juste ce qu'il faut d'expression amène pour faire comprendre à l'intrus qu'il est le bienvenu. Pas de chance, le zèbre fait dans le genre « lou ravi » et, avant que j'aie eu le temps d'en placer une, le voila qui me donne du « mon frère » et des bénédictions que malgré ma vie un rien mouvementée j'ai pas mérité ça.

Le discours étant sans équivoque, je comprends très vite que j'ai à faire à un de ces nettoyeurs de karma ambulants qui font le charme de notre époque comme les rémouleurs naguère. Un dingue, quoi. Qui a lu trois bouquins de Sri machin chose et qui s'est pris l'illumination en pleine poire comme un lapin la myxomatose en cisaillant un bouquet de serpolet inscrit « pas de chance ».

Bon, d'accord, j'aurais pu déprimer sévère avec quelque chose de plus traditionnel, style paire de petites mallettes connaissez-vous-la-Bible. Là, au moins, on était dans un vrai gros délire, dans du « new-age » pur jus sentant bon la grosse soupe : un brin de catho pour pas surprendre, une pincée de protestant pour faire sérieux, une grosse poignée de bouddhisme de l'improbable véhicule pour séduire le bobo potentiel, quelques soucoupes volantes, de la psychologie « Femmes d'Aujourd'hui » pour la caution scientifique ; portez le tout à feu vif sur fond de chamanismes d'origines multiples et servez chaud. Putain, la Vérité, quand-même : qu'est-ce que c'est beau, hein ?!

Allez, ma foi, la journée étant de toute manière perdue pour le Devoir, le guignol étant plutôt sympa et Lierneux à un jet de pierre... Tiens : je m'apprêtais même à esquisser un sourire aussi inattendu que bienvenu dans cette matinée plombée.

Là-dessus, voila-t-il pas que ce brin-de-zingue m'annonce que je serai bientôt riche et célèbre. Histoire de ne pas vexer la trente-quatre millième (à ce jour, et à ma connaissance) réincarnation de Marc Aurèle, je lui glisse que je suis déjà riche d'expériences humaines et spirituelles, et que le fait d'être connu de l'Univers me comble. Mais l'autre renchérit : « Non, non, pas comme ça : vous allez devenir riche et célèbre dans ce monde. »

Autrement dit, non content de me casser les burettes avec son ésotérisme à dix balles, voila qu'il me menace, maintenant ! Riche et célèbre ! Des noix, oui ! Quand tu penses au mal de chien qu'il m'a fallu pour retrouver un semblant de sérénité en m'éloignant de ces pièges à cons, c'est pas un Nostradamus des Hautes-Fagnes qui va me renvoyer au charbon, hein ! Non mais !

Bref, soucieux de ne pas aggraver mon (cas)rma avec une histoire de meurtre, je tente de mettre fin à l'entrevue, en prétextant un rendez-vous avec les mânes d'Alexandre le Grand. Pas de chance : mon pythonisse était déjà sur le coup. Oserais-je dire que je n'ai même pas été étonné quand il a crié : « Non, pas sur la tête ! » avant de se faire virilement empoigner direction la sortie. Après tout, l'était bien voyant, non ?


Publié dans Ca barde !

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